Rossburn, village disparu

Lorsqu’on se penche sur le passé de nos villages de la vallée de la Largue, on éprouve rapidement un gros sentiment de frustration, car les informations sont plutôt rares dans l’ensemble. Fulleren n’échappe pas à l’incertitude générale quant à ses origines. Le village n’est pas évoqué dans les documents écrits avant le 14esiècle, et les vestiges d’époques antérieures ne sont pas nombreux.
Pourtant, Fulleren, bien qu’un peu caché entre les deux vallées de la Largue et de l’Ill, a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs.
 
C’est que le village sort quelque peu de l’ordinaire.  
 
Alors que toutes les agglomérations de la vallée se sont installées sur la rive gauche de la Largue, tout en étendant leur ban de part et d’autre de la rivière, Mertzen et Fulleren font exception sur le flanc droit. Les finages de ces communes ont sensiblement même allure et même taille, sauf à Strueth, Mertzen et Fulleren, dont la faible importance des bans suggère une division en trois d’un ancien territoire.
Si les bans de Fulleren et Hindlingen se prolongent nettement vers l’est, c’est qu’ils ont grossi du territoire d’un village depuis longtemps disparu, Rossburn.
 
Les documents relatifs à Rossburn sont peu nombreux, bien que l’occupation du site semble fort ancienne. On y a trouvé des restes de tuiles, de briques et de céramique d’époque romaine, mais la première mention connue du lieu ne date que de 1288. Il est alors question de Rudolfsbrunn, la source de Rodolphe. Par la suite, le nom deviendra tantôt Rusburn, Ruelisbrunn, Ruolsburn, Ruschburn pour devenir Rossburn. A en croire le Liber marcarum de 1441, un registre de redevances épiscopales, Ruolisbrunn était alors une paroisse. Son église,  dédiée à St-Michel 1, était administrée par un curé et  son vicaire et le village voisin, Largitzen, en était une filiale, avec son propre vicaire. Apparemment Fulleren, qui existait déjà à l’époque, avait une chapelle ! C’est en tout cas ce qu’affirme un document de 1672, qui parle de deux chapelles ruinées, celles de Fulleren et de Rossburn.
 
Une famille de chevaliers, nobles locaux qui portaient le nom du village, occupait le « château » (probablement une maison forte) auquel menait un Schlossweg. Bernhart von Rustbrun fut le dernier représentant de la lignée au XVe siècle.  
 
Le village disparaît sans doute autour de 1450, victime d’incursions des Armagnacs ou des représailles exercées par les troupes suisses. Selon un enfant du pays, Aloyse Zimmermann, «le château de Ruelisburn aurait été détruit au cours d’un soulèvement paysan contre le seigneur et, en représailles, les Armagnacs auraient massacré les habitants et brûlé le village».
 
La légende s’est emparée de l’histoire. Ainsi, dit-elle, les maisons de Fulleren auraient été construites avec les pierres des ruines de Rossburn. Elle raconte aussi la ruse du chevalier Bernhart de Rossburn, qui ferra son cheval à l’envers pour fuir son château assiégé…
Une croix au milieu de la forêt, entre Fulleren et Carspach, marque l’emplacement du village disparu. De son église, dont les pierres auraient servi à construire l’actuelle chapelle de
Fulleren, de son château, de ses maisons, seules  la porte du tabernacle, actuellement dans la chapelle de Fulleren,  et  les fondations subsistent encore, dans l’attente d’improbables fouilles archéologiques qui lèveraient les mystères de son passé.
 
                                 Maurice Gross
                                                 
1) Un Michelsweg à Fulleren, un autre à Friesen, en rappellent le souvenir.


 

 

 

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